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C'est toute une histoire... ; « Sa vie ? Son enfance ? Mais hé, c’est privé ça ! Espèce de sales fouines, non je ne vous dévoilerai pas de détails croustillants et embarrassants sur Soren ! Vous ne saurez rien d’autre que ce que tout le monde sait déjà ! »
« Soren ? Ah, oui, bien entendu que je me souviens. Un mignon petit garçon. Très poli. »
« Ah ça, j’ai été sa petite amie pendant longtemps, vous savez… J’ai été sa première fois, aussi. Non, non je vous assure ! Comment ça je suis la
troisième à vous dire ça ?! Mais je dis la
vérité ! »
Pas très concluant, tout ça. Certaines sources se sont toutefois révélées plus… enclines à nous parler de ce beau mannequin Danois. Bien qu’à notre grand regret, les informations les plus intéressantes aient été laissées de côté. Nous avons toutefois réussi à récolter quelques informations concernant sa famille et le petit garçon que Soren était, jusqu’à quelques anecdotes de son adolescence, et, bien sûr, l’histoire de son embauche et de l’envol incroyable de sa carrière.
Soren Malthe-Bruun naquit le vingt-troisième jour du mois d’octobre de l’année mille neuf-cent quatre-vingt-quatre dans un hôpital de Copenhague. Ses parents ayant refusé de connaître le sexe de l’enfant, ils eurent la surprise de découvrir un petit garçon, tout fripé, hurlant de tout son être. Ils choisirent le prénom Soren pour désigner ce petit bout d’homme qui venait tout juste de faire son entrée dans ce monde.
Anne Malthe et Michael Bruun, respectivement avocate et vendeur de polices d’assurance, vivaient déjà ensemble depuis trois ans lorsqu’Anne tomba enceinte. Leur situation bien établie leur permit de ramener le petit Soren dans sa chambre jaune doux, et de l’élever confortablement.
Selon certaines sources, les parents du petit garçon étaient de drôles d’oiseaux. Ils cédaient à la plupart des caprices du jeune, mais le forçaient à en assumer les conséquences. Il voulait essayer le football ? Pas de problème. Mais il devait continuer jusqu’au bout. Pas question pour Anne et Michael de payer pour rien. Il voulait suivre un cours de peinture ? Même chose. Il voulait un chien ? Pourquoi pas. Mais il devrait le sortir lui-même, le nourrir, le laver lorsque besoin était, et s’en occuper convenablement. Même chose pour ses études. Il voulait travailler comme soudeur, comme ingénieur, comme coiffeur ? Qu’il en soit ainsi. Sans oublier que ses parents ne le soutiendraient pas financièrement pour toujours, et qu’il ne pourrait pas espérer vivre à leurs crochets. Ils étaient très ouverts, ça c’était certain. Et encourageaient leur fils à faire ce qu’il voulait.
Ce qui n’était pas très avantageux pour lui. Il avait souvent songé que ça aurait été moins compliqué si ses parents l’avaient pointé dans une direction au lieu de le laisser vagabonder. D’un autre côté, il aurait suivi une voie toute tracée, en manquant toutes les petites expériences et les à-côtés qui marquaient les parcours plus hésitants.
Sa recherche de son moi intérieur commença, bien évidemment, à l’adolescence. Ou au début de l’adolescence, lorsqu’il avait environ douze ans. Peu après son douzième anniversaire, Soren découvrit le monde merveilleux du métal… Avec son meilleur ami. Le métal, sa musique enchanteresse et son style vestimentaire des plus élégants : cheveux longs (et gras le plus souvent, bien qu’il s’y refusât) vêtements foncés, t-shirts de groupes de musique, bracelets larges de cuir, chaînes sur ses pantalons… Ses parents froncèrent légèrement les sourcils, puis haussèrent les épaules. Ça lui passerait, ils le savaient. Ils l’avaient fait, après tout. À peu près tout y passa : style intello, style punk, skate… Et déjà à cette époque, il avait une crinière impressionnante.
Peu importe son style, on le regardait. Les filles, surtout. On peut dire qu’il en profitait. Pourquoi se priver ? Tant que ça ne devenait pas trop compliqué.
Et sa recherche de son moi intérieur se poursuivit. Dans ses études, notamment. Soren finit par prendre un programme au hasard, qu’il suivit avec un intérêt tout relatif. Ce programme le mena à un stage relativement intéressant dans une boîte relativement intéressante. Jusqu’à ce que, grâce à ce job pourri, une alternative plutôt réjouissante ne se jette sur lui.
« Jeune homme. Oui, vous. Avez-vous déjà envisagé une carrière dans le mannequinat ? »
Très franchement, la première réaction de Soren fut de la fixer en se demandant si c’était une blague. La deuxième fut de rire, et la troisième, de cesser brusquement de rire. Pour en arriver à la réaction finale.
« C’est-à-dire ? »
Il venait de se faire offrir… un boulot ? Soren pesa le pour et le contre. Et regarda la plaquette des contre s’envoler vers d’autres cieux, tellement les pour étaient nombreux et obèses.
«Attendez-moi là cinq minutes si vous me voulez dans votre agence, j'arrive. »
Il rentra de sa pause à peine deux minutes après être sorti. Le Danois fourra ses affaires dans un carton, dans son sac, n’importe quoi. À la question « Tu fais quoi, là ? » Il répondit, parce que c’était évident : « J’me tire. »
Voilà.
Un an après cet abandon, ou fulgurante entrée, selon le point de vue que l’on choisit d’observer, Soren Malthe-Bruun paradait fièrement à Paris. Hm, Paris… La tour Eiffel, les lumières, Le Louvre. Bah, Paris, quoi ! Et tout comme la fois précédente, une opportunité plus qu’alléchante vint s’agiter sous son nez de façon provocante et sexy. Caranston Models Agency ? Appétissant. Un petit gribouillis incompréhensible sur une ligne noire et hop ! Nouvelle agence.
Deux ans après cette fameuse Fashion Week, où Soren avait eu la chance de jouer du crayon pour joindre Caranston, la sentence tomba :
« J’déménage à Paris !
- Quand ça ?
- Dans la semaine. »
Comme il aimait le calme de ses parents.
« Et ton agence, ton boulot ?
- Ah, j’ai trouvé mieux.
- Viré ?
- Non. J’suis parti. Embrouille.
- Tu quittes le mannequinat ?
- Non, non j’ai trouvé mieux ailleurs. »
Paris. Il vécut un an seul, sauf un coloc’ qui le supporta pendant quatre mois avant d’aller voir ailleurs. Puis, arriva Lucjan. Bien gentil, un peu timide, super marrant. Et quelques semaines pus tard, Lune. Les Lulus !
« Salut je suis… »
« Lune, ouais je sais, on m’a dit que t’arrivais. »
Et puis ils attendaient pas le père Noël, non plus.
« LUCJAN, la nouvelle est un nouveau ! »
« Pardon ? »
« Oui on a cru que tu étais une fille… A cause de ton prénom. »
« Ah. D’accord ! Soren, une vodka s’il te plaît ! Offre lui un truc ! »
Non, sans blague. Il avait été élevé, il avait un minimum de manières, quoi.
« Tu m’offres à boire ! Je vais adorer cette vie ! »
« Je te sers quoi ? »
« Vodka, sèche, très sèche. »
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« Hey. Devine quoi ?
- Quoi. »
Non, il n’allait pas dire une connerie. Fallait lui faire confiance, un peu, quoi ! Soren leva la tête de la pile de feuilles qu’il tenait dans une main.
« Un peu d’enthousiasme !
-Oh pardon. Je recommence : Allez dis-moi touuuuuut !!!
- Hahaha. J’te dirai pas si c’est comme ça. »
Il replongea le nez dans ses papiers. Il y eut un court silence.
« Allez, dis-moi.
- Nan, ça t’intéresse pas, c’est pas grave.
- Soren ! »
Silence. Sourire enfantin.
« J’vais jouer dans un film. »
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... Et un sacré caractère ; Sacré caractère... N’exagérons rien, voyons ! Comme tout le monde, Soren a ses petits moments. Et au moins une fois par jour, sa « minute ». C’est normal d’en avoir marre, parfois. Et il faut que ça sorte régulièrement, parce que sinon, les petites crottes sur le cœur s’accumulent, et ensuite, c’est tout un gros tas de merde qui se déverse lorsque le barrage cède. J’imagine que dans ce cas, on peut dire que Soren est râleur. Il aime bien se plaindre, surtout sur un ton humoristique, avec de grands gestes exagérés et du sarcasme à tour de bras. Mais ce n’est jamais vraiment sérieux. Parce qu’en fait, ce petit Danois a un léger côté « je m’en fous » qui lui confère une certaine capacité à dédramatiser, et prendre les aléas de la vie du bon côté. Ce trait de personnalité lui vient sûrement de ses parents, qui se fichaient de ce qui pouvait se produire, tant que ça restait dans les normes. «Tu veux devenir éboueur ? Pas de problème mon fils. Mais ne compte pas sur notre soutien financier. » Alors tant que ça puisse s’arranger d’une façon ou d’autre autre, il ne voit pas l’intérêt de se faire du soucis, et de ronger ses sublimes ongles jusqu’aux coudes. Il est très ouvert à toutes sortes d’expérience, et ne laisse jamais une opportunité lui filer entre les doigts sans essayer de la saisir au passage. Toutes ces choses, associées à son caractère un peu gamin, le font ressembler à un grand adolescent. Et comme eux, il peut se montrer d’une maturité surprenante, qui diffère avec son comportement quotidien. Il sait s’adapter, voilà tout. Il ne ferait pas de mal à une mouche. Bon à une mouche peut-être, en fait il les déteste et n'en laisse jamais une s'enfuir, quitte à défoncer les murs. Mais Soren peut se montrer d’une gentillesse à toute épreuve, et est une oreille attentive. Mais seulement une oreille. Les conseils, c’est trop de prise de tête. Et si ses trucs ne marchaient pas et que tout foirait ? Trop de conséquences. En bref, c’est un type très ordinaire, qui aime ses potes, la vie en général, les jolies filles… Et la bouteille, même s’il refuse de se l’admettre, malgré tous les efforts de son colocataire Lucjan, qui tente de lui faire entrer l’idée en tête à coups de hurlements. Hurlements qui déclenchent la minute de Soren, qui dégénèrent en échanges verbaux virulents et impolis, et qui se règlent autour de la source du problème : un verre…
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Avec des bons côtés... ; Ah ben ça, y’en a plein, des avantages. Voyager c’est super, d’abord. Voir plein d’endroits, prendre un peu de temps pour visiter quand c’est possible… Ça ne rend que le retour à la maison plus agréable. On apprend à aimer son chez-soi, peut importe sa taille et son allure. On rencontre plein de gens intéressants, aussi. D’autre models, qui deviennent des amis –ou ennemis- et qu’on revoit par la suite. Le staff toujours super agréable, le public qui vous regarde défiler en bavouillant… sur les vêtements. (Et sur vos fesses. Mais ils veulent pas l'avouer.) Non franchement, le mannequinat ça peut être dûr, mais c’est aussi hyper enrichissant.
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... Et des mauvais côtés ; Du négatif... Certainement. Il y a toujours deux côtés à une médaille. Et la Lune a une face cachée. La drogue, l’anorexie, sont des points particulièrement sombres de ce domaine. C’est dûr d’entendre parler de ceux qui sont tombés dans ces pièges. Ou de voir ses propres amis et collègues y plonger. Sinon, le pire c’est les vêtements. Ils sont ridicules, parfois. Et les chaussures font des pieds de clown. Et essayez de rester sérieux et sexy avec le cul qui gratte à cause des vêtements ! (En plus, après une centaine d'allers-retours sur le
runway avec des chaussures neuves et sans chaussettes, eh bah on a mal aux pieds !)