Déjeuner en tête à tête.

Cela faisait même pas un mois que Lucjan et moi étions ensemble. Les choses s'étaient faites progressivement. D'abord il avait trouvé ma valise que j'avais égaré, avait retrouvé ma trace pour me la rendre. C'est ainsi que nous avions fait connaissance, puis après plusieurs petits rendez-vous et le nouvel an passé ensemble, j'avais fini par l'embrasser. Depuis, nous nous voyons le plus souvent possible mais entre mes cours, mon nouveau poste de stagiaire dans l'agence de mannequins et sa vie à lui - dont je ne savais encore pas grand chose - nous n'avions pas non plus le temps de nous voir tout le temps.

Je lui avais proposé de nous retrouver dans un bar-restaurant du quartier latin, Le Petit-Prince de Paris. Cosy et agréable, j'aimais bien cet endroit. Et puis nous serions un peu tranquille pour passer du temps ensemble. Il m'attendait sans doute depuis plusieurs minutes, mais c'était tout à fait mon genre d'être constamment en retard. J'arrivais avec un sourire dans le restaurant, trouvais la table à laquelle il était assis. Hey hey, toi... lui dis-je tout sourire avant de l'embrasser - enfin... de lui faire un bisou sur la joue puisqu'il tourna un peu la tête pour éviter que nos lèvres se touchent. Je commençais à le connaitre, il n'était pas vraiment du genre "embrassons-nous en public" même s'il était question qu'un petit bisous. J'évitais de faire une quelconque remarque, il avait besoin de temps. Toutefois, je notais pour moi-même d'aborder le sujet un jour ou l'autre.

Excuse-moi pour le retard, mon métro s'est arrêté à une station pour réglage des paramètres de je-ne-sais-pas-quoi... Sous la table, mon pied toucha le sien. J'eus un sourire. Eeeet, j'ai une nouvelle à t'annoncer mais tu me promets de ne pas te foutre de ma gueule hein ? Je comptais lui dire que j'avais décroché un stage, mais bon, dans une agence de mannequins, ça allait surement le faire mourir de rire.

En ce milieu du mois de janvier, il faisait froid. Un froid agressif, accompagné de vent, qui mordait le visage et les oreilles. Lorsque je sortis de l'immeuble, je resserrai mon manteau contre moi, croisant les bras. Allez, quoi, je n'avais que cent mètres à pieds à faire, après je n'avais qu'à choper un métro pendant quelques minutes avant de m'aventurer de nouveau à l'air extérieur, froid et désagréable. J'avais rendez-vous avec Valentin pour déjeuner au Petit Prince de Paris, un restaurant qui faisait également brasserie, et que j'aimais bien. Et puisque le temps et la saison ne se prêtaient pas à un repas en terrasse, je décidai de fumer une cigarette rapidement avant de rentrer me mettre au chaud à l'intérieur. Une serveuse m'accueillit d'un « Bonjour Monsieur ! Vous avez réservé une table ? », mais elle avait parlé trop vite, en français, et je n'avais pas compris. J'avais beau être à Paris depuis plus de trois ans, j'avais toujours des difficultés avec cette langue compliquée. Quoi, ma langue maternelle c'était le polonais et maintenant je maîtrisais plutôt bien l'anglais, j'allais pas non plus être trilingue aussi facilement ! Je la fis répéter, et, lorsqu'elle entendit mon fort accent de l'est, elle me demanda « Do you speak english ? ». Je lâchai un « yes » soulagé en guise de réponse. Je me creusais moins la tête à parler anglais et je comprenais beaucoup mieux. Nous parlâmes alors quelques instants en anglais, le temps qu'elle me conduise à une table et me demande si je désirais un apéritif – oui, une vodka s'il vous plaît, avais-je répondu, si ça vous intéresse. Elle me l'apporta et me tendit la carte. « J'attends quelqu'un », avais-je répondu, histoire qu'elle comprenne que je n'allais pas commander tout de suite.

Dix minutes après que je me fus enquillé ma vodka, je vis Valentin arriver et je lui rendis son sourire. Quand il se pencha vers moi, je détournai la tête ; ce n'était pas parce que je n'avais pas envie de l'embrasser, mais j'avais surtout pas envie de m'afficher en public. Je voulais qu'on nous prenne pour des amis, des potes, des collègues, tout et n'importe quoi mais surtout pas un couple. Merde, quoi, je n'avais pas été éduqué dans cette intolérance de l'homosexualité, j'étais incapable de m'assumer en tant que tel et j'avais toujours du mal à me dire « j'ai un petit ami, un mec » ou « j'aime les hommes ». Il avait donc déposé un baiser sur ma joue, mais ça avait suffi à me gêner. J'aurais préféré qu'il ne fasse rien, qu'il me salue d'un signe de la main.

« Hey hey toi...Excuse-moi pour le retard, mon métro s'est arrêté à une station pour réglage des paramètres de je-ne-sais-pas-quoi... »

Je sentis son pied contre le mien. Je le reculai instantanément, rouge de gêne.

« T'inquiète pas pour le retard, va, c'est pas grave », répondis-je en anglais, trop flemmard pour essayer de chercher en français. S'il avait parlé polonais, ça aurait été parfait.
« Eeeet, j'ai une nouvelle à t'annoncer mais tu me promets de ne pas te foutre de ma gueule hein ? »
« Attends Val', je peux rien te promettre, tant que tu m'as pas dit. Mais vas-y, je t'écoute, je suis tout ouïe. »

Je souris. Je ne savais pas du tout à quoi m'attendre. Mais, comme pour faire durer le suspense, la serveuse revint, apportant une carte à Valentin tout en le saluant, et lui demanda s'il voulait un apéritif et me posa à moi aussi la question, de nouveau. Je fis un geste de la tête qui fit office de négation. Une fois que mon petit-ami eut répondu et qu'elle tourna les talons, je le relançai, toujours en anglais (oui, il me parlait en français, et je répondais en anglais. Et ça m'allait très bien comme ça) :

« Alors, cette grande nouvelle ? Vas-y, égaie mon déjeuner, j'attends que ça ! »

Je ris à ma propre bêtise, j'avais hâte de voir ce qu'il allait me sortir. Valentin était quelqu'un d'assez éxubérant, jovial, extraverti, et je savais qu'il était capable d'en faire beaucoup pour ce qui me semblait n'être « que » cool. Mais c'était ce côté que j'aimais bien chez lui, légèrement irrationnel, et sur lequel il était encore totalement en opposition avec moi (j'étais plus du genre discret, à m'extasier sur mon sort dans ma tête quand quelque chose de bien m'arriver, ou à tellement relativiser que je trouvais plus ça si cool que ça).

Je sentis son pied reculer, et remarquais que son visage se teintait de rouge. Un simple contact de nos pieds suffisait à le mettre mal à l'aise ? Je n'étais pas vexé, mais je ne savais pas comment me comporter. Il était si mal à l'aise vis à vis de son homosexualité, que je commençais à me demander vraiment comment j'allais faire, et quelle attitude adopter avec lui, pour le mettre à l'aise.
Mais pour cette fois, je décidais de ne pas relever, je n'avais pas envie d'avoir cette conversation avec lui alors que nous étions dans un restaurant pour déjeuner tous les deux, en amoureux - même si je ne pourrais pas lui caresser doucement la main en attendant l'arrivée des plats.

Je haussais un sourcil en l'entendant me parler en anglais. De toute évidence, il n'avait pas envie de faire d'efforts aujourd'hui. Passé l'étonnement, j'en fus amusé : cela faisait des années qu'il était en France pourtant il continuait à galérer complètement avec la langue de Voltaire, ce qui lui donnait d'ailleurs beaucoup de charme avec son accent de l'est. Je tâchais de continuer la conversation avec lui en français, même si je savais très bien qu'à un moment ou un autre, je me mettrais à parler en anglais avec lui sans m'en rendre vraiment compte. Les habitudes avaient la vie dure.

Une serveuse fit son apparition pour me proposer un apéritif. Je n'étais pas un grand buveur d'alcool, surtout en début d'après-midi comme c'était le cas aujourd'hui. Mais voyant le verre vide de Lucjan devant lui, surement une vodka comme d'habitude, je me laissais tenter. Un mojito, s'il vous plait.
Une fois qu'elle fut partie, je me permis de lui dire, en chuchotant pour ne pas le mettre mal à l'aise : You're very cute... Je lui fis un autre sourire, puis repris en français : J'ai décroché un stage histoire d'avoir une ligne de plus dans mon CV. Et pas n'importe où, et c'est ça qui est amusant ! Au service juridique d'une agence de mannequinat ! La situation m'amusait. Evidemment, je ne pris pas la peine de lui dire le nom de l'agence puisque j'ignorais moi-même que Lucjan était mannequin. C'était quelque chose qu'il m'avait caché.

La serveur m'apporta ma boisson que je commençais à boire, toujours un sourire aux lèvres. Lucjan avait cet effet là sur moi : lorsque je le voyais et que j'étais en sa compagnie, je ne cessais de sourire bêtement.

C'était peut-être idiot, mais tout contact physique avec mon petit-ami en public me mettait carrément mal à l'aise, alors que les regards dévoreurs et les sourires en coin ne me gênaient pas (aussi parce qu'ils étaient difficilement contrôlables). Lorsqu'il me lança en anglais que j'étais très mignon, le bas de mon visage s'étira en un rictus heureux alors que je baissais les yeux, flatté et gêné par ce compliment (non pas parce qu'il l'avait formulé (il l'avait chuchoté, et personne ne pouvait l'avoir entendu, donc ça allait), mais parce que les compliments me gênaient toujours un peu, bien que j'y fus habitué, après tout, j'étais mannequin, même si je ne voyais pas vraiment pourquoi je l'étais, ni ce que les agents, photographes et créateurs pouvaient me trouver). Sourire en coin, mes lèvres formèrent deux syllabes inaudibles. S'il pouvait lire sur les lèvres, il comprendrait. « You too », avaient-elles formulées, et je rougissais un peu plus de lui avoir dit ça. Mes mains s'amusaient un peu nerveusement avec un pan de la nappe, sous la table, alors qu'en français, il m'annonça quelque chose qui ne me fit pas rire du tout, contrairement à ce qu'il aurait pu prévoir.

« J'ai décroché un stage histoire d'avoir une ligne de plus dans mon CV. Et pas n'importe où, et c'est ça qui est amusant ! Au service juridique d'une agence de mannequinat ! »

Si j'avais été en train de boire à ce moment-là, il n'aurait fait aucun doute que je me serais étouffé. Au lieu de ça, j'ai subitement levé les yeux vers lui et ait balbutié :

« Mais, mais... Mais où ? Quelle agence ? Enfin je veux dire euh... Tu voulais pas faire ça dans un cabinet ? »

J'étais sûr qu'il était à deux doigts de me griller. Ce n'était pas bien difficile en même temps. D'abod je lui disais « quelle agence ? » et au lieu d'être content pour lui je m'occupais d'assurer mes arrières. Ca c'était la merde, car s'il était à la Caranston, j'étais foutu, je serais bien obligé de le croiser là-bas de temps à autre, et me faire tout petit à chaque fois que j'allais y aller risquait de me rendre et fou, et parano. Et puis si ça se trouvait, il pouvait très bien tomber sur mon dossier à l'agence, et c'était foutu. Il fallait absolument que je trouve un moyen et un moment pour lui dire sans qu'il s'énerve ou me haïsse pour ne pas le lui avoir dit plus tôt.

« Enfin, j'veux dire, c'est super cool, je suis content pour toi ! Tu attaques quand ? »

Mais quel débile. J'aurais mieux fait d'ajouter « Ah, on se croisera peut-être, alors... » ou une amorce du genre qui aurait pu lui faire comprendre qu'on allait se retrouver à bosser pour la même boîte. Mais ma gêne habituelle et ma trop grande gentillesse qui m'empêchaient parfois de dire ce que je voulais avaient encore frappé. J'étais incapable de vexer quelqu'un, de le remettre à sa place ou de l'énerver, et ça me posait de grands problèmes en société. La seule personne à qui j'essayais vainement de tenir tête était mon père. Mais de toutes façons, il usait de sa position de chef de famille pour me faire fermer ma gueule, à moi mais aussi à ma mère, qui essayait de me défendre. Pour elle comme pour mes frères et soeurs, j'étais un peu un « héros ». J'avais osé prendre mes bagages et me barrer de Varsovie. C'était sans doute l'acte le plus audacieux et le seul que j'aie jamais fait. Pff, j'étais juste pitoyable.

Je ne fis pas tout de suite attention à sa réaction, pourquoi aurais-je du avoir les yeux rivés sur lui pour voir comment il réagissait à mon annonce puisque de toute façon je ne pensais pas que ça lui poserait un quelconque problème. Evidemment, je ne me doutais pas qu'il était en fait mannequin.
Mais, mais... Mais où ? Quelle agence ? Enfin je veux dire euh... Tu voulais pas faire ça dans un cabinet ? Je lui fis un sourire : Bah en fait je voulais effectivement le faire dans un cabinet d'avocats ou alors de notaires, mais bon déjà c'est dur de trouver quelqu'un pour te prendre en stage dans le domaine juridique. Et en plus, je m'suis dis que finalement, ça ne serait pas plus mal pour surveiller Lewis...

Tu sais, Lewis commence une carrière de mannequinat. Et je m'inquiète un peu. Je commence à connaitre ces gens là et franchement, ce sont tous des camés, anorexiques et alcooliques qui ne pensent qu'à une seule chose : savoir s'ils ont une coupe de cheveux à la mode et à trouver un moyen d'écraser les autres pour être le meilleur. Ce n'est plus de la concurrence et de l'esprit de compétition, c'est carrément la troisième guerre mondiale ! Je me mis à rire à mon humour pourri, pas vraiment conscient que je devais mettre mon petit-ami complètement mal à l'aise.

Je portais ma boisson une fois de plus à mes lèvre, sentant l'alcool coulé dans ma gorge. Je ne pense pas que le nom de l'agence te dira quelque chose. C'est la Caranston Models Agency, une des plus réputées de la capitale à ce qu'il parrait... ajoutais-je avec un sourire satisfait. Autant ajouter une ligne à mon CV qui en jettait !

Je commence lundi prochain, lui dis-je pour répondre à sa dernière question.

C'est alors que je remarquais qu'il n'avait pas l'air à l'aise du tout, comme si quelque chose le dérangeait. Qu'est-ce qu'il y a Lucjan ? J'ai dit ou fait une connerie ? Je voyais bien la situation : j'avais du faire quelque chose - du genre le regarder un peu trop fixement - qui laissait supposer que nous étions bien en couple et maintenant il angoissait parce qu'il avait peur du regard des autres. Je me disais qu'il serait bientôt temps d'avoir une discussion là dessus parce que même si j'adorerai mon polonais et que je flashais complètement dessus - il était magnifique - il était clair que je n'allais pas tenir longtemps et que cette situation de "non-assumation" de son homosexualité allait sérieusement commencer à poser un problème.

C'est alors que la serveuse s'avançait pour nous demander si nous avions choisi ce que nous allions manger. Je laissais Lucjan commander en premier.

« Bah en fait je voulais effectivement le faire dans un cabinet d'avocats ou alors de notaires, mais bon déjà c'est dur de trouver quelqu'un pour te prendre en stage dans le domaine juridique. Et en plus, je m'suis dis que finalement, ça ne serait pas plus mal pour surveiller Lewis... Tu sais, Lewis commence une carrière de mannequinat. Et je m'inquiète un peu. Je commence à connaitre ces gens là et franchement, ce sont tous des camés, anorexiques et alcooliques qui ne pensent qu'à une seule chose : savoir s'ils ont une coupe de cheveux à la mode et à trouver un moyen d'écraser les autres pour être le meilleur. Ce n'est plus de la concurrence et de l'esprit de compétition, c'est carrément la troisième guerre mondiale ! »

Attendez... Il me parlait de Lewis, Lewis, là ? Lewis Declàn ? Oh merde, vu ce qu'il venait de me dire, il devait bien le connaître. Je n'étais pas très proche de cet autre mannequin, mais je m'entendais bien avec lui, on s'était rencontrés sur un shooting qu'on avait eu à faire tous les deux, le courant était tout de suite bien passé. Roh, ça c'était la merde. S'il parlait de moi à Lewis, j'avais peur que ce dernier fasse une bourde en lui disant « Aaah, Lucjan Janowczyk ? J'le connais ! Bah oui j'ai fait un shoot avec lui ! Quoi, tu savais pas qu'il était mannequin ? ». Cette situation devenait oppressante pour moi et l'idée de mentir (enfin, par « omission », s'il on pouvait dire ça comme ça) à Valentin m'embêtait profondément. J'aurais aimé lui dire que moi aussi, j'étais un model, mais vu ce qu'il venait de me dire, « tous des camés, anorexiques et alcooliques », ça m'avait un peu refroidi. Je n'entrais dans aucune de ces catégories (bon, je buvais assez régulièrement et il m'arrivait de finir saoûl, mais c'était seulement avec Lune et Soren, à notre studio ! Et venant d'un polonais, vous vous seriez attendu à autre chose qu'une bonne descente de vodka ?!), et sa généralisation sur les mannequins me mettait de plus en plus mal à l'aise, mais je décidai de tenter, après qu'il m'ait annoncé qu'il bosserait à la Caranston Models Agency (mon agence, en gros), dès le lundi suivant, et qu'il ait remarqué que je n'étais pas franchement dans mon assiette :

« Je, euuh... Je voulais te dire... Je suis... Euh... »

Mais visiblement je ne pouvais pas.

« Non, oublie, c'est pas important... »

Enfin si, ça l'était. Un mensonge de plus. Et un autre qui ne tarderait pas à arriver :

« Enfin je voulais juste te dire que je suis vraiment, vraiment content pour toi, Valentin, c'est bien que tu aies trouvé ce stage pour approfondir tes connaissances et surveiller euh... Lewis, c'est ça ? Qui est-il, au juste, un de tes amis ? »

J'espérais juste que Lewis n'était pas un de ses ex petits-amis. Pourquoi ? Parce que j'étais un peu jaloux, même si je refusais de le montrer, et si jamais il en venait à me répondre qu'il était effectivement sorti avec lui, j'aurais peur qu'il me lâche pour se remettre avec Lewis... C'est peut-être de la paranoïa, oui, enfin je sais pas. Je sais que je manque considérablement de confiance en moi (sauf maintenant quand il s'agit de poser), mais je n'arrive pas à pallier à ça, je suis trop torturé. Je crois que je devrais peut-être voir un psy, ça m'aiderait. Mais allez trouver un psy qui fasse ses consultations en polonais ! Parce qu'en anglais ce serait faisable, mais moins naturel pour moi. Et puis qu'est-ce que je raconte, là ? J'arrive déjà pas à dire à un ami que je suis homosexuel (Soren ne le sait même pas), ni à faire du pied à mon petit-ami sous la table, alors aller le dire à un inconnu ! Faut pas rêver non plus !

La serveuse revint et nous demanda si nous avions choisi. Jetant un bref coup d'oeil à la carte je remarquai que je ne comprenais strictement rien aux propositions, et elle me tendit une carte en anglais devant mon air incompréhensif. Je jetai mon dévolu sur la première chose qui me passait sous le nez et qui me paressait comestible, de toutes façons je n'avais pas très faim :

« Magret de canard sauce aux airelles, cœur de pistaches, s'il vous plaît. » commandai-je en anglais.

Elle nota et se tourna vers Valentin : « Et pour Monsieur ? ». Je regardais mon petit-ami qui choisissait, visiblement. Ca me faisait mal de lui mentir, j'aurais tellement aimé pouvoir lui dire la vérité, mais c'était trop difficile pour moi, elle me brûlait la gorge et refusait de sortir. C'était tellement plus facile de mentir, mais tellement plus lâche... Et plus je le regardais, plus je le trouvais beau. Son nez fin, sa cicatrice sur le menton, ses yeux noisette et ses cheveux bruns fous, sa peau blanche et ses dents du bonheur... Il était adorable, intelligent, gentil et extraverti, en plus de ça. C'était un type génial et moi je faisais quoi ? Je lui mentais.

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